Chapitre 53 : Devoir de mémoire

Novembre 2019, en amont de la journée mondiale de lutte contre le sida, la mairie de Paris organise deux événements en hommage à Cleews Vellay, ancien président de Act Up-Paris mort du sida en 1994 et qui a inspiré le personnage principal du film 120 Battements par minute.

D’abord, une projection du documentaire Portrait d’une Présidente a lieu à la mairie du 11e. J’y assiste avec Cédric et nos amis Nathan, Dom, Christophe Martet et Nicolas. Je suis bouleversé en regardant ces images rares d’un activiste qui avait tellement envie de vivre et qui est mort juste avant l’arrivée des trithérapies… Quelle terrible injustice.

Le lendemain, une plaque est inaugurée par Anne Hidalgo en face de l’ancien local d’Act Up-Paris. Les discours d’activistes s’enchaînent. Il y a, entre autres, Giovanna Rincon, la fabuleuse directrice d’ACCEPTESS-T et l’infatigable Gwen Fauchois, une militante lesbienne qui a bien connu Cleews et a milité à ses côtés chez Act Up-Paris.

Avec Cédric on se met en retrait. Je me sens très humble face à tous ces gens qui sont dans la lutte depuis les années 80-90 et dont le carnet d’adresses se rayait à chaque fois qu’ils perdaient un ami ou un amant. Ces deux événements me rappellent la chance que j’ai d’avoir été diagnostiqué en 2009 et pas en 1989. Je pense à celles et ceux qui sont morts du sida ou qui (sur)vivent avec le VIH depuis les années 80-90.

Je fais partie de la génération U = U qui leur doit tout et je me sens privilégié d’avoir bénéficié des nouveaux traitements qui permettent d’avoir une espérance de vie identique à celle de la population générale.

Imaginez toutes ces personnes diagnostiquées séropos entre 1981 et 1996 (les « années cendres ») et à qui on a prédit une mort rapide et douloureuse. Lorsque les trithérapies sont arrivées en 1996, on leur a expliqué que finalement ils allaient vivre longtemps. Ils ont dû faire le deuil du deuil. Certains n’ont jamais réussi à retrouver une vie affective, sexuelle, sociale ou professionnelle épanouie car trop abîmés par des années de traitements très toxiques comme l’AZT ou traumatisés par l’idée de mourir jeune.

Je n’oublie pas non plus celles et ceux qui, de nos jours, sont dépistés en stade sida car porteur du VIH depuis plusieurs années sans le savoir. Le stade sida n’est plus irréversible et grâce aux traitements actuels une personne en stade sida peut revenir en charge virale indétectable et retrouver des défenses immunitaires solides mais quel échec en matière de prévention et de santé publique.

Le devoir de mémoire est important. Les « années de cendres » ont décimé la communauté gay. J’espère de tout cœur que les archives d’associations comme AIDES, Actions Traitements et Act Up-Paris trouveront leur place dans un endroit digne de ce nom.

Ce documentaire sur Cleews Vellay, par exemple, mérite d’être restauré et diffusé sur un grand écran dans le futur centre d’archives LGBT+.

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