2015 est une année charnière dans ma vie. D’abord, après cinq ans d’attente, j’obtiens enfin un logement social sur Paris. Finis mes deux heures trente de trajet quotidien dans le RER A et bye bye Noisy-le-Grand.
J’emménage dans le 19e près du parc des Buttes-Chaumont. L’immeuble de dix-huit étages est moche, mais mon appartement est un grand deux-pièces au septième avec une vue imprenable sur Paris. Tous les soirs, j’admire la tour Eiffel qui scintille de ma fenêtre et je repense au chemin parcouru depuis ma cité HLM de Miramas avec vue sur un terrain de boules.
C’est vertigineux.
En décembre, Cédric emménage avec moi. Un nouvelle étape naturelle dans notre vie de couple. Je décide aussi qu’il est temps pour moi de quitter mon job où je ne me sens pas épanoui. En mars 2016, je postule chez AIDES, mais malgré un super entretien le poste me passe sous le nez… Immense déception, mais je ne me décourage pas.
Je décide de demander une rupture conventionnelle à mon employeur. Refusée dans un premier temps, puis finalement acceptée. Je quitte ma boîte en juillet 2016 après neuf longues années. Mes collègues pleurent lors de mon pot de départ. Je suis ému, mais content de partir.
À la même époque, je décide de parler de ma séropositivité à visage découvert sur les réseaux sociaux. C’est une démarche à laquelle je réfléchis depuis un an.
J’ai envie de montrer une image qu’on voit peu : un séropo qui va bien.
J’ai envie de casser les stigmates et la honte autour du VIH.
J’ai envie de donner envie aux gens de témoigner à leur tour à visage découvert.
J’ai envie de donner envie aux gens d’aller se faire dépister et traiter en cas de VIH positif.
Je me lance le 3 juin 2016 en publiant un long texte sur ma page Facebook que je partage sur mon compte Twitter intitulé « Je suis séropo comme ils disent ». Je suis complètement dépassé par les réactions. Des centaines de partages et de commentaires de proches et d’anonymes. De nombreux messages privés.
Je suis très touché par les personnes vivant avec le VIH qui me contactent en privé. Des anonymes me remercient de donner cette visibilité car ils ne peuvent pas le faire pour différentes raisons (famille, travail, religion, etc.).
Certains gays que je connais via Twitter se sentent en confiance et commencent à se confier à moi en privé. Je découvre que plusieurs sont séropos dans notre petit cercle de gays parisiens qu’on croise dans des bars du Marais ou sur Twitter. C’est compliqué pour eux d’en parler publiquement, alors on échange par messages privés.
Avant de publier ce texte, j’ai prévenu mon frère et mon neveu de 14 ans. Je veux rassurer mon neveu surtout, mais sa réponse évasive me laisse penser que le sujet n’a pas l’air de l’intéresser… Mika, le frère de Cédric, et sa copine Sonia nous invitent à boire un verre et me félicitent de ma prise de parole. Ils veulent s’assurer que je vais bien aussi. Je passe un moment à répondre à leurs interrogations sur le VIH. Je suis très touché par leur démarche.
Aucune réaction de la part de mon frère et ma belle-sœur, pas d’appel, pas de SMS, même pas un petit « like » sur Facebook…