Au printemps 2013, je suis habilité à faire du dépistage rapide du VIH après avoir validé ma formation chez AIDES. J’enchaîne les actions de dépistage dans divers lieux, notre local de Paris 12 près de Gare de Lyon, un camion stationné dans le Marais derrière le Cox et même dans des saunas libertins.
C’est une action que j’adore, même si j’ai du mal avec le geste technique qui consiste à piquer un doigt pour le faire saigner. J’apprécie surtout les pré-entretiens avant de piquer quand on discute de sexualité, de pratiques, de gestion des risques, etc.
Souvent, les plus flippés sont les hétéros blancs alors que toutes les études montrent que ce sont les moins exposés au VIH. Je me souviens d’une gamine de 20 ans complètement tétanisée par la peur alors qu’elle n’avait eu qu’un seul partenaire dans sa vie. Mais la peur n’est pas quelque chose de rationnel. Alors je la rassure, je lui dis que je suis séropo, en couple et en bonne santé. Elle commence à se détendre et on finit par rigoler ensemble.
Je me souviendrai toujours de mon premier résultat positif. C’est un jeune gay, il a l’air mal dans sa peau. Il a des pratiques multipartenaires et pas toujours protégées par un préservatif. Je suis censé le faire sortir de la pièce pendant que je manipule son sang avec le réactif, mais comme un con, je le garde avec moi. Je vois sous mes yeux le second point apparaître qui indique un résultat positif. Je garde mon sang-froid et je lui explique calmement que le test est positif et qu’il va falloir qu’il effectue rapidement une prise de sang pour confirmer ce dépistage.
Il est ému mais pudique. Pas de larmes, juste une angoisse bien compréhensible. J’essaie de le rassurer, je lui parle de mon vécu. Je lui dis qu’il vaut mieux le savoir et que maintenant il va rentrer dans un parcours de soins et très vite sa charge virale sera indétectable. Mais je sais qu’il ne m’entend plus. J’étais à sa place il y a quatre ans et c’est un moment terrible où on se refait le film des dernières prises de risque, des derniers partenaires, de comment l’impensable a pu arriver.
Je lui propose de l’accompagner le lendemain à l’Institut Alfred Fournier dans le 14e pour le test de confirmation. Je lui obtiens un rendez-vous prioritaire. On va échanger quelques SMS par la suite, puis il cesse de me répondre. Quelques années plus tard, je reçois un message privé sur Facebook Messenger, c’est lui. Il m’a retrouvé en tombant sur mon blog. Il me remercie d’avoir été là pour lui au moment si délicat de la découverte. Il me dit qu’il va bien. Il est sous traitement avec une charge virale indétectable et en couple stable. Ce message me rend heureux.