L’année suivante, en 1990, à force de multiplier les absences à l’hôpital ou de venir avec des fioles d’alcool qu’elle boit en cachette aux toilettes, Maman se fait virer.
Elle se retrouve seule à la maison et boit encore plus. Je n’aime pas la voir sous l’effet de l’alcool. Elle me fait peur.
Un jour, je rentre de l’école et je la trouve inconsciente allongée par terre dans une flaque de pisse. J’appelle un voisin. Je suis mort de honte. Mon père rentre en urgence du boulot et nous fait à manger pendant que Maman décuve.
En 1991, quelques jours après mon dixième anniversaire, je rentre de l’école avec mon frère et sur la porte de notre garage je vois une affichette avec une photo de notre maison et la mention « vente aux enchères ». C’est la stupeur et l’incompréhension.
Nos parents nous expliquent qu’ils sont en dossier de surendettement à la Banque de France et qu’ils ne peuvent plus payer leurs crédits. On doit vendre la maison pour rembourser les dettes accumulées et pire, on doit déménager dans une caravane parquée dans le jardin d’un ami de mon père le temps qu’un logement social nous soit attribué.
J’ai tellement honte qu’à l’école je raconte à mes copains qu’on est hébergés chez de la famille en attendant la fin des travaux d’une nouvelle maison.
J’en veux à mes parents, j’en veux à la banque, j’en veux à la terre entière. Je ne supporte pas ces quelques mois qui paraissent une éternité à vivre les uns sur les autres dans un espace confiné et exigu.
J’étouffe tellement qu’un jour de pluie, je fais une fugue. Je pars dans la forêt d’à côté, je cours, les larmes coulent sur mes joues. Ma mère et mon frère me rattrapent et me raccompagnent à la caravane. Maman me fait un chocolat chaud.
Papa est de plus en plus absent. Il y a des nuits où il ne rentre pas dormir. Je me demande où il est.
Maman ne se plaint jamais, mais la nuit je l’entends souvent pleurer. « Paraît que ça s’voit pas quand on pleure dans le noir … »
Fred Colby 