Solitude gay : Et si on (re)donnait du sens au mot communauté(s) ? 

Cet été un ami médecin m’a contacté à propos d’un de ses patient séropo en difficulté avec le chemsex et un peu désabusé quant à sa vie affective et sexuelle. Il souhaitait que je le rencontre et que je lui parle un peu de mon histoire pour lui redonner un peu d’espoir.

La rencontre se fait début septembre dans le Marais. Ce garçon (que j’appellerai Ben dans ce billet) est tout à fait charmant, cultivé, drôle mais terriblement seul depuis qu’il a dû revenir d’un pays étranger afin d’être pris en charge pour le VIH. On passe un bon moment ensemble et on échange sur la difficulté de faire des rencontres amoureuses quand tu es gay et séropo, au-delà du sexe. Et puis on se quitte et on se promet de se revoir vite.

Les semaines passent et l’occasion ne se fait pas et puis mi-octobre il m’écrit « c’est vendredi soir et comme d’hab je suis seul, je regarde le vide et la vacuité de toute chose en face, tu n’aurais pas une idée de sortie* ? » On échange quelques messages et je lui propose de me retrouver le dimanche soir au Rosa Bonheur des Buttes Chaumont où je vais souvent avec mon homme et mes amis.

Le jour J, je le relance mais aucune réponse. Je commence à m’inquiéter et imaginer le pire. Finalement Ben me répond 2 jours après en m’expliquant qu’il se sentait tellement seul qu’il a fait une rechute de drogue et qu’il va se faire hospitaliser volontairement quelques jours.

Depuis je n’arrête pas de penser à ce garçon. Et s’il était décédé seul dans son appartement d’une overdose ? Il a mon âge, il est gay et séropo comme moi. Moi aussi je suis passé par cette grande phase de solitude et de détresse en 2011. Je n’ai pas gouté aux drogues mais ça aurait pu m’arriver.

Son histoire n’est pas exceptionnelle. Dans le milieu gay il y a des dizaines de Ben, certains s’en sont sortis. D’autres nous ont malheureusement quitté… Comment en est-on arrivé là ? Certains accusent les drogues, d’autres les applis de drague et le web qui ont tué la plupart des lieux de convivialité gay.

Moi je fais partie de celles et ceux qui pensent que c’est la solitude le cœur du problème.

Quand j’étais célibataire et que j’avais peu d’amis à Paris je passais mes weekends dans les saunas où je multipliais les plans culs. J’ai déjà expliqué dans mon billet sur « mes nuits fauves » que c’est dans ce contexte de grande vulnérabilité que j’ai contracté le VIH en 2009.

Outre les prises de risques sexuels, je prenais aussi des risques physiques qui m’ont conduit jusqu’à une agression (toujours pendant l’été 2009 décidément assez pourri !) en faisant venir 2 mecs inconnus chez moi qui étaient plus intéressés par ma CB que par mes fesses ! Cette histoire a fini au tribunal et je n’ai plus jamais fait venir un plan cul chez moi.

9 ans plus tard cette période semble lointaine et aujourd’hui j’ai la chance d’être bien entouré mais je constate autour de moi que de nombreux garçons se sentent seuls et certains se réfugient dans le sexe, l’alcool et/ou la drogue pour faire face à cette solitude.

Je n’ai pas LA solution miracle pour ceux qui se sentent seuls mais j’ai envie de partager quelques pistes qui m’ont aidé à m’en sortir et à me (re)construire en 2011/2012.

-La 1ère étape pour moi a été de m’engager dans une association. J’ai choisi Aides car j’avais envie de m’impliquer dans la lutte contre le VIH/SIDA ; mais il existe des dizaines d’assos LGBTQ pour tous les goûts, tous les genres, tous les combats, toutes les envies. Allez faire un tour sur Google et osez franchir le pas! Le milieu associatif est une bonne occasion de retisser du lien social avec des gens qui vous ressemblent et partagent les mêmes valeurs ou les mêmes combats.

Je pèse mes mots quand je dis que Aides m’a sauvé en 2011. J’y ai rencontré mon homme, des amis que je considère comme ma famille de cœur et surtout j’y ai rencontré ma fibre militante et une estime de moi que j’avais perdue.

-La 2ème étape est d’analyser ce qui est addictogène dans votre vie et d’essayer de se fixer des objectifs atteignables. Moi par exemple j’étais accroc aux saunas et aux bordels, j’y allais parfois 3 fois par semaine. J’ai décidé de me limiter à une sortie par semaine afin de privilégier mes engagements chez Aides mais aussi mes sorties ciné/resto entre amis.

-Si vous êtes en difficulté avec les drogues il existe des structures pour vous aider à mieux gérer ou arrêter. Je citerai celles que je connais à Paris mais il y en a de partout en France.

-Groupe d’auto support tous les mardis soir au Spot Beaumarchais pour les chemsexeurs (consommateurs de drogue en contexte sexuel) :

Possibilités d’écoute et de soutien par des militants de Aides.

-Si vous êtes accrocs aux applis de type Grindr/Hornet/Scruff, tentez de les désinstaller une semaine sur 2 pour commencer, un peu comme une forme de sevrage, et appelez un ami pour aller boire un verre ou vous faire un ciné quand la tentation de réinstaller les applis est forte.

-Si vous avez l’habitude de recevoir des inconnus chez vous, demandez toujours une photo du mec et envoyez-la à une personne de confiance. Idéalement ne le recevez pas direct chez vous. Au minimum donnez rdv devant votre domicile pour éviter les déconvenues et autre mythomane.

-Au contraire si vous préférez allez en plan direct chez un inconnu, envoyez toujours la photo + l’adresse à une personne de confiance.

Si vous êtes seul chez vous en crise d’angoisse ou avec les idées noires, essayez de sortir ne serait-ce que prendre l’air, appelez un.e ami.e ou faites un message sur les réseaux sociaux, c’est juste une façon moderne de lancer une bouteille à la mer et souvent ça marche. Ces derniers mois j’ai vu passé plusieurs appels à l’aide de gays en détresse sur Twitter avec une vague de réponses et de messages privés qui leur ont fait éviter le pire.

Vous avez aussi certaines lignes d’écoutes gratuites avec des gens formés qui pourront répondre à vos angoisses notamment en lien avec le VIH et/ou les LGBTphobies:

Sida Info Service : 0800 840 800

-Actions Traitements : 01 47 63 00 00 (de 15H à 18H)

-SOS Homophobie : 01 48 06 42 41

-Que faire et à qui s’adresser face à une crise suicidaire?

Enfin si vous allez bien, essayez d’être attentif à ceux autour de vous qui ne donnent plus de nouvelles, qu’on ne voit plus en soirée, sur les réseaux sociaux etc. C’est souvent signe d’une détresse affective voire pire.

Parfois envoyer un simple SMS à quelqu’un en détresse peut sauver une vie.

Je me souviens de cette soirée sombre en septembre 2011 où je me sentais tellement seul que j’ai avalé pleins de médicaments et j’ai fini la nuit aux urgences…

Quelques jours plus tard un salarié de Aides m’appelle et me dit « on te voit plus à l’asso, tu ne voudrais pas venir samedi on fait une soirée Freddie Mercury dans le Marais et comme je sais que tu aimes les paillettes… ». Cette soirée m’a donné envie de m’investir chez Aides. Ce salarié me connaissait à peine mais il m’a tendu la main à un des moments les plus vulnérable de ma vie.

Et si c’était ça en fait le début de solution au problème ? Tendre la main à ceux qui vont moins bien ? Créer des chaines de solidarité et d’entraide. (Re)donner du sens à la notion de communauté(s) LGBT.

*Echange publié avec l’accord de « Ben ».

-Relecture : ceddan1973

-Illustration : Batsuking

13 réflexions au sujet de “Solitude gay : Et si on (re)donnait du sens au mot communauté(s) ? ”

  1. Bravo pour ce billet. Comme tu le dis clairement, il y a beaucoup de possibilités pour vaincre la solitude, à condition d’en avoir envie et/ou prendre conscience.
    D’après mon expérience, la communauté homosexuelle est indifférente à la solitude de l’autre et heureusement il y a des Hommes avec un grand coeur qui sont sensibles et ouverts aux autres, tel que toi.

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  2. Merci pour votre billet.
    Je retrouve dans ce billet la vie d’un ami je suis et montre ma presence dans sa vie depuis 11 ans. Je connais peu de choses sur la discrimination que subissent les LGBT+. Mais je sais qu’il faut être là pour soutenir et aider afin d’éviter le pire. Petite question, comment soutenir une cause si on ne vit pas cette discrimination? Bénévolat ou don ?

    Merci

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  3. Merci pour ce post mais en province c est beaucoup plus dur de s engager.
    Et vivre son homosexualité quand on est musulman c est encore plus dur et on se renferme encore plus et on ne vit pas pleinement sa vie surtout dans une petite ville

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