Malgré mon envie de m’investir chez AIDES, je ressens toujours une profonde
solitude au début de l’année 2011. À cette époque, mon infectiologue a décidé qu’il
est temps que je commence un traitement antirétroviral. Ma trithérapie est une
combinaison de plusieurs molécules en un cachet. Je trouve ça cool d’avoir un seul
cachet par jour. Je ne lis pas la notice avec les effets indésirables. Je fais confiance
à mon infectiologue, après tout, c’est lui l’expert…
La première prise est violente. J’ai des bouffées de chaleur, je ne dors pas de la nuit,
comme si j’avais une poussée de fièvre. Le lendemain, je me sens un peu mal,
comme ces lendemains de mauvaise cuite. Les jours d’après, les effets indésirables
s’estompent, mais j’ai des nuits agitées et je fais des rêves bizarres dans lesquels
mes agresseurs du 15 août 2009 reviennent la nuit pour me tuer… Ambiance.
En plus de AIDES, je décide aussi de franchir la porte des Séropotes, une
association de convivialité destinée aux gays séropos. Les membres de cette asso
se retrouvent un mardi sur deux dans le sous-sol d’un bar pour un apéro convivial.
Mais je ne me sens pas trop à ma place. J’ai l’impression d’être dans un club de
rencontres pour gays, blancs, CSP + qui se cachent dans un sous-sol.
Je sympathise quand même avec quelques membres de l’asso dont David, un mec
sympa qui est steward. On sort ensemble pendant deux mois, mais ça ne fonctionne
pas entre nous. On se sépare quelques jours avant mon trentième anniversaire, en
mai 2011.
Je décide d’arrêter les Séropotes car je n’y trouve pas ma place. J’ai besoin d’une
structure plus militante et plus inclusive.
Quelque temps plus tard, au sauna Sun City, je rencontre un mec qui me plaît
beaucoup. On s’emballe pendant presque une heure dans la piscine. Je lui propose
qu’on se prenne une cabine à l’étage. Il m’invite plutôt à aller chez lui. C’est en
banlieue, mais il a une voiture.
On arrive vers 23 h 30 chez lui. On arrache nos habits, je suis assis sur lui et je sens
son sexe qui durcit. Le niveau d’excitation est à son comble et là au moment de me
pénétrer il me sort : « T’es clean ? »
Certains mots font plus mal que des coups.
Je lui explique que je suis séropo sous traitement, mais je n’ai même pas fini ma
phrase qu’il fait un geste de recul, inconscient sûrement, mais hyper violent pour moi.
Il débande en trois secondes et se liquéfie.
Je sens bien que ça le fait paniquer. Je lui propose qu’on passe juste la nuit
ensemble : « On n’est pas obligés de baiser. » Il s’excuse et ajoute : « Désolé, ça va
pas être possible. » Il me raccompagne à la gare à minuit. Il pleut. Je me retrouve
seul sur le quai et je pleure.
Extrait du livre « T’as pas le sida j’espère ?! » chapitre 35 : « T’es Clean »
Lien de commande de la version papier
Lien de commande de la version numérique
