11 décembre 2009, j’ai 28 ans. Il y a quelques jours, j’ai rencontré Romain lors d’une soirée BBB spéciale Janet Jackson. C’est un coup de cœur direct et réciproque. Ce soir, Romain veut me présenter sa bande de potes. J’ai des papillons dans le ventre.
Mais avant cela, je dois aller chercher les résultats de mon dépistage VIH. C’est devenu une routine depuis ma rupture avec Rodrigue. Tous les trois mois, je me rends au centre anonyme et gratuit du Figuier, dans le Marais, où j’ai mes habitudes.
Je suis plutôt confiant. Après tout, mon dernier dépistage en septembre était négatif alors que j’ai pris des risques plusieurs fois pendant l’été. Je passe toujours « entre les gouttes ».
Et puis je suis pressé de partir pour me faire tout beau pour Romain.
Un charmant médecin me reçoit et m’annonce sans trop tourner autour du pot : « Le résultat n’est pas celui qu’on espérait. Le test est revenu positif. »
Le choc.
À partir de ce moment, je ne l’entends plus. Mon cœur s’emballe, j’ai des gouttes de sueur dans le dos et des bouffées de chaleur.
Je me refais le film de mes prises de risque ces dernières semaines. Qui a pu me le transmettre ? Est-ce que je l’ai transmis sans le savoir à d’autres mecs ?
Le médecin tente de me rassurer, il m’explique avec bienveillance qu’aujourd’hui les traitements sont efficaces, qu’on peut vivre bien et longtemps avec le VIH. Il me donne des brochures, mais j’ai l’impression de ne pas être là avec lui. Mon corps est là, je fais des signes de la tête pour lui signifier que je comprends, mais mon esprit est ailleurs.
Les questions fusent dans ma tête : Que va-t-il se passer pour moi maintenant ? Que sera ma vie ? Est-ce que ça va se voir physiquement ? Comment vont réagir mes proches ? Et comment va réagir ce nouveau mec que j’ai rencontré il y a juste une semaine ? C’est sûr, il ne voudra jamais me revoir…
Je dis au docteur que le mois dernier j’ai traîné un état grippal pendant quinze jours. Fatigue, courbatures, fièvre, pertes de poids, etc. Mon généraliste m’a dit que c’était sûrement la grippe. En fait, le médecin en face de moi m’explique que j’ai fait ce qu’on appelle une primo infection.
Je sors du Figuier abasourdi. Je m’assois sur un banc. Mon état de sidération est réel. Il y a encore quelques minutes, je faisais partie de ceux qui pensent que c’est toujours aux autres que ça arrive.
La première chose que je fais, c’est d’envoyer un SMS à Romain pour lui dire que je ne pourrai pas venir ce soir. Il sait que je suis allé chercher mes résultats et il doit se douter de quelque chose.
Je rentre chez moi et je me fais couler un bain, comme si je me sentais sale.
Et là, je m’observe longuement dans le miroir. C’est vrai que j’ai perdu du poids, j’ai l’air différent. Comme l’impression que le virus a déjà changé quelque chose dans mon visage. Tout ceci n’est pas rationnel bien sûr, mais c’est ma première réaction.
Je repense au film Philadelphia, au Sidaction, à Act Up et à toutes ces images de colère, souffrance et de mort. J’ai peur.
Je suis dans mon bain et Romain n’arrête pas de m’appeler. Je lui annonce par SMS que je suis séropo et que je comprendrai s’il veut en rester là. Je n’arrête pas de pleurer. Il me dit que je ne dois pas rester seul et qu’il vient me chercher en voiture. Je finis par accepter.
Ce soir-là, il me présente à ses amis et en rentrant on fait l’amour…
Extrait du livre « T’as pas le sida j’espère?! »
Chapitre 28 : « Le résultat n’est pas celui qu’on espérait »
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Crédit photo : Nina Zaghian