Retour au collège

Lundi 4 février, 6h du matin, le réveil sonne. Aujourd’hui j’ai rdv à 7h45 dans un collège de banlieue à Fontenay Sous Bois. J’ai été invité à une journée de prévention VIH dans des classes de 3ème par mon amie Paola, prof de SVT, qui essaye de faire passer des messages à travers son programme scolaire.

Il faut savoir qu’à la base je déteste parler en public et quand j’étais au collège j’avais des sueurs froides quand je devais aller au tableau devant toute la classe. Mais avec les années j’ai pris de l’assurance et surtout en l’occurence je maitrise bien le sujet.

A peine arrivé, je suis présenté au principal puis direction la salle des profs (moi qui voulais être prof d’anglais quand j’étais à la fac je trouve tout ça très amusant!).

Paola et sa collègue, également prof de SVT, m’annoncent qu’elles sont stressées et qu’elles ont mal dormi. Léger coup de pression mais je me dis qu’il n’y a pas de raison que ça se passe mal et au pire avec l’humour on s’en sort toujours.

8h du matin, première classe. Les élèves s’installent, ils n’ont pas l’air bien réveillés (j’avais oublié que les cours commençaient aussi tôt…) . J’en vois une qui baille, je lui dit « c’est ça de rester jusqu’à minuit sur Snap » et elle me fait un petit sourire complice.

Les élèves savent qui je suis. Paola a gentiment placardé ma photo dans tout le collège avec un texte qui explique « je suis Fred, séropositif, militant, blogueur etc… « .

Ils avaient comme devoir de préparer des questions à mon intention. Au départ ils sont un peu timides alors je les aide en leur demandant s’ils connaissent la difference entre VIH et sida.

Très vite les langues de délient et les questions fusent : « Depuis combien de temps tu es séropositif », « tu l’as appris comment?’, « c’était avec un garçon? », « tu en as voulu au garçon? » « comment a réagi a ta famille? » , « pourquoi tu en parles à la télé? », « pourquoi tu es là aujourd’hui? », « vous avez mal? », « vous allez en mourir? ».

Ils sont sans filtres et spontanés mais respectueux.

Et puis on en vient aux modes de transmissions. On aborde la fellation, la sodomie. Il y a des sourires gênés et des ricanements mais rien de méchant. Je m’attendais à des remarques homophobes sachant que le collège est planté en plein milieu d’une cité mais je suis agréablement surpris. Comme quoi moi aussi je suis arrivé avec mes représentations…

On enchaine sur le planning familial, la contraception et puis là un garçon demande si une fille peut « tomber enceinte par la bouche ». La classe éclate de rire mais ça traduit surtout un cruel manque d’informations sur des sujets tabous qui ne sont pas abordés avec leurs parents.

L’heure passe à toute allure et quand la sonnerie retentit, certains sont déçus c’est limite frustrant car la discussion était bien engagée. Ils me remercient tous en quittant la salle.

Il va se passer la même chose avec les 4 classes suivantes. Un début timide à chaque fois puis de nombreuses questions et les mains qui se lèvent de partout. Dans une des classes on va jusqu’à aborder la GPA pour les couples gays et la procréation chez les personnes trans.

On aborde aussi les moyens de prévention. Où obtenir des préservatifs, c’est quoi la PrEP et ça veut dire quoi avoir une charge virale indétectable. Et quand je pose la question « est-ce que quelqu’un sait ce qu’est un dépistage? » j’ai droit à une des meilleures réponses de la journée : « je sais monsieur c’est un dépistage dentaire qu’on fait chez le dentiste! ».

Mais mon moment préféré avec chaque classe c’est quand je leur demande si quelqu’un sait ce que veut dire le mot discrimination. Je suis face à des jeunes dits « issus de l’immigration ». Ils sont pour la plupart noirs et arabes donc forcément ils savent ce que ça veut dire d’être discriminé.

J’essaie de leur expliquer l’échelle des privilèges. Quand on est un homme blanc hétéro on est tout en haut et quand on est une femme noire/arabe et lesbienne on est tout en bas. Ils ont bien intégré qu’ils n’étaient pas privilégiés mais j’essaie de leur expliquer que c’est le cas de toutes les minorités y compris les gays séropositifs. Un peu de convergence des luttes dès la 3ème ça ne fait pas de mal 😉

Au bout de 5h de cours je ressors vidé mais heureux de ces échanges très riches. C’est une experience que j’ai très envie de reproduire. Il y a un tel manque d’information en ce qui concerne la sexualité et la prévention et une telle soif de connaissance des jeunes sur ce sujet.

Je remercie chaleureusement Paola Burnouf et toute l’équipe du collège Jean Macé de Fontenay Sous Bois et les 5 classes de 3ème pour leur accueil et leur bienveillance à mon égard.

5 réflexions au sujet de “Retour au collège”

  1. Once again super billet, Fred.
    Super mission par un formidable missionnaire. 🙌🏽
    (En revanche je crois qu’il n’y a de proviseurE que dans les lycées et qu’on parle plus volontiers de PrinicipalE dans les collèges. Mais ce n’est pas crucial hein 😉).
    Anthony (JeFreine ici ou là)

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