1/Novembre 2008 : Timothy Ray Brown dit le « patient de Berlin
En 1995, l’Américain qui vit à Berlin apprend qu’il a contracté le VIH. Il est suivi médicalement. En 2006, on lui diagnostique une leucémie. Pour le soigner de ce cancer, son médecin, Gero Hütter (université de Berlin), lui propose une greffe de cellules souches d’un donneur qui a une mutation génétique rare lui conférant une résistance naturelle au VIH. Timothy Ray Brown décède le 29 septembre 2020, à l’âge de 54 ans, des suites d’un cancer (sans lien avec le VIH qui n’est jamais revenu). Il a longtemps été (parfois malgré lui) le symbole du « HIV cure » (guérison du VIH). Les dernières années avant son décès, il a beaucoup milité pour faire progresser la recherche sur le cure.
2/Mars 2020 : Adam Castillejo dit le « patient de Londres »
Il vivait avec le VIH depuis neuf ans lorsque ses médecins lui ont diagnostiqué une leucémie en 2012. Adam Castillejo est entré en rémission du VIH après avoir reçu une greffe de moelle osseuse pour son lymphome de la part d’un donneur porteur d’une mutation génétique rare. Grâce à la greffe, son organisme a recréé un système immunitaire résistant au virus. La méthode est similaire à celle utilisée sur Timothy Ray Brown.
3/Février 2022 : La « patiente de New York »
Dans ce troisième cas présenté à la Croi 2022, il s’agit, pour la première fois, d’une femme vivant avec le VIH (diagnostiquée en 2013) et atteinte d’une leucémie depuis 2017. Cette patiente a subi une greffe de cellules souches du sang du cordon ombilical, qui sont plus largement disponibles que les cellules souches adultes utilisées dans les greffes de moelle osseuse. Les cellules souches des cordons ombilicaux n’ont pas non plus besoin d’être aussi étroitement appariées au receveur que les cellules de la moelle osseuse. Dans le cadre de son traitement contre la leucémie, la patiente avait également reçu un traitement à partir du sang de cordon ombilical pour son cancer d’un donneur partiellement compatible et du sang d’un proche parent. Un an après cette greffe, la patiente de New York était en rémission virale du VIH et plus aucune trace du virus n’a été détectée chez elle depuis. En février 2022, elle n’était plus sous traitement ARV depuis 14 mois, sa charge virale était indétectable, ses CD4 étaient stables et ses anticorps étaient devenus négatifs au VIH. Sa leucémie était également en rémission.
4/Juillet 2022 : Paul Elmonds dit « le patient de City of Hope »
Celui que l’on nomme le « patient de City of Hope » (du nom du centre de cancérologie californien où il est traité) est un homme gay, séropositif et atteint d’un cancer du sang. Comme les autres cas, ce patient a bénéficié d’une greffe de cellules souches qui a renouvelé son système immunitaire. Les cas décrits ont tous un point commun : leur donneur-se présentait une mutation rare d’un gène dit CCR5 delta-32. Elle rend le système immunitaire résistant aux principales souches du VIH. Le patient de City of Hope a ainsi reçu en 2019 une greffe de moelle osseuse. Deux ans plus tard, il cessait de prendre ses antirétroviraux ; le VIH étant devenu indétectable dans son organisme. Ce cas est intéressant dans le sens où ce patient, âgé de 67 ans, vit avec le VIH depuis plus de trente ans. Il est, à ce jour, le patient le plus âgé à avoir été « guéri » virologiquement et cela montre donc qu’une rémission par greffe de cellules souches peut bénéficier à une personne relativement âgée.
5/Février 2023 : Marc Franke dit le « patient de Düsseldorf »
Le 20 février 2023, la revue scientifique Nature publie un article sur un nouveau cas de « guérison » suite à une greffe de moelle osseuse à partir de cellules de donneurs résistants au VIH. Celui qu’on surnomme le « patient de Düsseldorf » (Allemagne) était séropositif au VIH et souffrait d’une leucémie. Résistant à tous les traitements, ses médecins ont cherché un-e donneur-se de moelle osseuse portant une mutation génétique qui empêche naturellement le VIH d’entrer dans les cellules, la mutation génétique CCR5 delta-32. Cette greffe a été un vrai succès contre la leucémie et contre le VIH. Quatre ans après l’arrêt total de ses traitements anti-VIH, le patient de Düsseldorf n’avait plus aucune trace du VIH détectable.
6/Juillet 2023 : Romuald dit le « patient de Genève »
Ce nouveau cas a été présenté lors de la conférence IAS le 24 juillet 2023. Romuald vit avec le VIH depuis le début des années 1990 et a toujours suivi un traitement antirétroviral. En 2018, pour traiter une forme particulièrement agressive de leucémie (cancer du sang), il a été soumis à une greffe de cellules souches. Un mois après la greffe, les tests ont montré que les cellules sanguines de Romuald avaient été entièrement remplacées par les cellules du donneur, ce qui a été accompagné par une diminution drastique des cellules qui portaient le VIH. Le traitement antirétroviral a été progressivement allégé et définitivement arrêté en novembre 2021. La particularité de Romuald, suivi à Genève (Suisse), réside dans le fait que la greffe a été issue d’un donneur non porteur de la fameuse mutation CCR5 delta 32. Ainsi, contrairement aux cellules des autres personnes considérées guéries, les cellules de cette personne restent « permissives » au VIH. Au moment de notre interview avec Romuald en décembre 2023, sa charge virale était toujours indétectable deux ans après l’interruption de son traitement antirétroviral.
7/Juillet 2024 : Le nouveau « patient de Berlin »
Cette personne a choisi, pour le moment, de rester anonyme ; mais nous pouvons dire qu’il s’agit d’un homme de 60 ans vivant avec le VIH depuis 2009 à Berlin. Cette personne a été atteinte d’une leucémie myéloïde aiguë. Il a reçu une greffe de cellules souches en octobre 2015. Puis, en septembre 2018, trois ans après sa greffe, il a cessé, en concertation avec l’équipe médicale qui le suit, de prendre son traitement antirétroviral. Environ cinq ans et demi plus tard, le VIH reste indétectable dans le plasma. Cette personne est donc considérée comme étant en rémission du VIH. Un point clé distingue ce cas des autres cas de rémissions du VIH rapportés précédemment. Habituellement, dans les cas de rémission, les donneurs de cellules souches avaient hérité de deux copies d’un gène muté du CCR5, une de chaque parent, les rendant immunisés contre le VIH (on les appelle homozygotes). Un homozygote a deux copies identiques d’un gène, tandis qu’un hétérozygote a deux copies différentes. Dans ce cas, le donneur n’avait qu’une seule copie du gène défectueux (il était hétérozygote). Les hétérozygotes sont plus courants que les homozygotes. Bien qu’ils puissent contracter le VIH, le virus progresse généralement plus lentement sans traitement ARV.
8/La patiente de Marseille/Janvier 2025
Dans un entretien accordé le 10 janvier à la rédaction de Remaides, la Dre Olivia Zaegel-Faucher s’exprime pour la première fois sur ce nouveau cas qu’elle suit dans son service à Marseille. Il s’agit d’une femme, qui souhaite rester anonyme pour l’instant, âgée d’une cinquantaine d’années et diagnostiquée séropositive en 1999. En 2020, elle a été diagnostiquée d’une leucémie myéloïde aiguë, (LMA), une maladie rare qui touche principalement les personnes âgées. Il s’agit d’un cancer du sang et de la moelle osseuse qui évolue rapidement en l’absence de prise en charge thérapeutique. En juillet 2020, elle a reçu une greffe de cellules souches issues d’un donneur porteur de la double mutation CCR5-delta32. Avant la greffe, elle suivait un traitement antirétroviral avec une charge virale indétectable. Son taux de CD4 était bas, 250 CD4/mm3. Après la greffe, aucune trace de VIH n’a été détectée dans son sang, et son taux de CD4 a nettement augmenté, atteignant environ 1300 CD4/mm3. Elle a interrompu son traitement en octobre 2023, et un an plus tard, aucun rebond viral n’avait été constaté.
9/Le patient de Chicago/Mars 2025 (Croi 2025)
Le premier cas présenté lundi 10 mars en conférence de presse par Paul Rubinstein (Université de l’Illinois, Chicago, États-Unis) concerne un homme de 67 ans vivant avec le VIH et atteint de leucémie myéloïde aiguë (un type de cancer du sang fréquent). Cet homme a reçu une greffe de moelle osseuse d’un donneur porteur d’une mutation génétique rare, CCR5∆32/∆32, connue pour bloquer l’entrée du VIH dans les cellules. Après la greffe, son système immunitaire a été entièrement remplacé par celui du donneur, et les traces de VIH dans son sang sont devenues indétectables. Un an après la greffe, ses anticorps anti-VIH avaient chuté à des niveaux similaires à ceux de personnes jamais infectées. Lors d’un premier arrêt du traitement antirétroviral, le virus a brièvement réapparu dans son sang (probablement à partir du réservoir viral), avant que son système immunitaire ne l’élimine, ce qui est inhabituel. Même après cette réactivation temporaire du VIH, aucune trace du virus n’a été détectée dans ses cellules immunitaires. Un second arrêt du traitement, 24 mois plus tard, a permis d’observer une rémission du VIH, qui dure depuis au moins sept mois. Ce cas unique suggère que la réapparition temporaire du virus après une greffe avec cette mutation ne signifie pas forcément un échec de l’éradication et ouvre de nouvelles perspectives pour la recherche d’un traitement curatif contre le VIH.
10/Le patient d’Oslo/Mars 2025 (Croi 2025)
Le second cas plus « classique » a été présenté par Marius Trøseid (Oslo University Hospital, Oslo, Norvège). Il concerne un homme de 58 ans, vivant avec le VIH depuis 14 ans. Rien de bien nouveau dans ce cas qui est très similaire aux autres. Il est en rémission depuis quatre ans après avoir reçu une greffe de cellules souches pour traiter une maladie du sang. Le donneur, son frère, portait une mutation génétique rare (CCR5Δ32/Δ32) qui empêche le VIH d’infecter les cellules. Cette mutation a probablement joué un rôle clé dans la rémission, empêchant le virus de reprendre après la greffe. De plus, le patient a développé une réaction immunitaire post-greffe (maladie du greffon contre l’hôte), qui pourrait avoir contribué à l’élimination du virus, notamment dans les tissus de l’intestin. Il a également reçu un traitement immunosuppresseur, le ruxolitinib, qui pourrait avoir aidé à réduire les réservoirs du virus. Après l’arrêt de son traitement antirétroviral, il y a deux ans, le VIH reste indétectable dans son sang et ses cellules immunitaires, bien que des traces non réplicatives aient été retrouvées dans son système digestif. Ce cas, similaire à d’autres rares rémissions observées après des greffes de cellules souches, apporte de précieuses informations pour mieux comprendre comment le VIH pourrait être éliminé du corps et ouvre des pistes pour la recherche vers un traitement curatif.
