Chapitre 36 : Fred 1-VIH 0

Pendant l’été 2011, mon état de déprime s’aggrave. Je dors mal, je pleure souvent le soir, j’ai les idées noires et ma libido est au point mort. Je ne me reconnais plus. J’en parle à Aurélie (qui dort sur mon canapé depuis son retour de New York). Elle me conseille de voir un psy. Je prends rendez-vous avec un psy/sexologue, mais il me met très mal à l’aise. Il me pose beaucoup de questions sur ma sexualité, il veut des détails. Ça a l’air de l’émoustiller…

Vu mon état je décide d’arrêter de venir chez AIDES. Je ne suis pas en capacité de faire des entretiens de prévention alors que je suis en permanence moi-même à fleur de peau. Mes amis aussi trouvent que j’ai changé. Je ne suis plus aussi « fun » d’après Maël, mon (seul) ami gay de l’époque.

Septembre 2011, Maël m’écrit un long e-mail de reproches qui ressemble à un e-mail de rupture amicale. Je découvre sa missive en sortant de chez mon psy. C’est dur. Je rentre à Noisy-le-Grand en écoutant en boucle des chansons déprimantes.

Arrivé chez moi, je fais le bilan de ma vie: j’ai 30 ans, je suis séropo, pas de mec, pas d’ami gay, presque plus de famille (mon frère et moi on ne s’appelle pratiquement plus), je m’emmerde dans mon taf (dans le logement social). Bref, je déteste ma vie et je me sens seul au monde.

Je publie la chanson « Laisse le vent emporter tout » de Mylène sur mon mur Facebook. Je rédige un SMS d’« adieu » que j’envoie à mes plus proches amis et j’avale une dizaine de pilules de mon traitement VIH de l’époque. Je flippe, mais dans le fond je sais que ce n’est pas suffisant pour mourir. C’est un appel à l’aide.

Mon portable et mon fixe commencent à sonner simultanément. Je reçois plein de messages de mes amis en panique. C’est un moment très dur. Je n’arrête pas de pleurer. Je monte le son de la musique pour couvrir celui de mes téléphones. Tout à coup, ça sonne à la porte. Ce sont les pompiers. Un de mes amis a dû les appeler. Ils m’examinent, me demandent ce que j’ai pris et m’emmènent aux urgences en ambulance.

Pendant le trajet, je réalise la gravité du truc. J’ai un peu honte aussi.

Je passe la nuit et la matinée en observation. J’ai super mal au bide bien sûr, mais je finis par vomir. Pas la peine de faire un lavage d’estomac. Ouf.

Plusieurs amis viennent me voir dont Maël, l’auteur de l’e-mail assassin qui se sent forcément coupable et Aurélie, avec qui je suis en froid, mais qui est toujours présente dans les moments difficiles.

Une psy passe me voir. Je la rassure car je veux rentrer chez moi. Elle me dit que mon état dépressif vient peut-être des effets indésirables de mon traitement.

De retour chez moi, je lis la notice et je regarde des avis sur le Net. Effectivement, tous les symptômes décrits sont là : susceptibilité, déprime, cauchemars, dépression, idées noires, envies de suicide… Mon infectiologue ne m’avait rien dit !

Je prends rendez-vous en urgence avec lui au service des maladies infectieuses de Saint-Antoine et je lui demande de me changer de traitement. Il n’est pas trop pour. Pour lui, il faudrait surtout que je vois un psy. Il refuse d’admettre que ça peut venir du traitement qu’il m’a prescrit. J’insiste et je lui dis que je n’ai jamais été suicidaire, même après la mort de ma mère. Je ne me reconnais pas. Il finit par accepter.

En moins d’un mois, avec mon nouveau traitement, je ressens un changement radical. Je retrouve ma joie de vivre, mon optimisme et ma libido. Peu de temps après, je décide de changer d’infectiologue.

Fred 1-VIH 0.

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