Ne laissons pas mourir nos bars à cul et nos saunas !

Vendredi 24 avril 2020, la 6ème semaine de confinement vient de s’achever.

Ah le confinement… ce mot qu’on lit et qu’on entend tout le temps depuis un mois et demi. C’est la première fois que j’en parle sur mon blog et, pour cause, j’ai une confession à faire : je ne souffre pas vraiment du confinement. C’est presque indécent à écrire car j’ai conscience à quel point c’est compliqué pour beaucoup de monde.  

La période demeure anxiogène pour moi. Je fais des cauchemars presque toutes les nuits. Mon statut d’auto entrepreneur (assez précaire) m’angoisse. Je rêve que je dois retourner travailler dans mes anciens boulots…

Malgré ça je me considère privilégié. Je suis confiné avec mon mec, on a de l’espace (bon ça reste un appart dans une tour de 18 étages mais on a plus de surface que la plupart des personnes que je connais à Paris). On s’occupe bien. Lui est en télétravail, moi j’écris des piges pour Jock Life et Komitid. J’en profite aussi pour peaufiner mon manuscrit (d’ailleurs si tu me lis et que tu bosses dans l’édition, je cherche un éditeur !). Bref je ne vois pas les journées passer.

Plein de choses me manquent pourtant : me balader au parc des Buttes Chaumont. Me poser avec mon ordi à ce café de Jourdain où j’ai mes habitudes tous les matins. Me faire un ciné en plein après-midi au MK2 Jaurès. Déjeuner ou faire un apéro avec mes ami.e.s. Me faire un bon resto avec mon chéri. Aller au Bingo Drag du dimanche soir ou au Rosa Bonheur ect.

Bientôt, j’espère, je pourrai retrouver toutes ces petites joies du quotidien.

Par contre il y a quelque chose qui me manque aussi et que j’ai peur de ne pas retrouver de sitôt : mes sorties en saunas/bars à cul.

Ce n’est pas un secret, j’en ai parlé plusieurs fois sur ce blog. J’aime ces endroits. Ils représentent pour moi un des derniers lieux de liberté et de lâcher prise dans une vie parisienne souvent stressante et anxiogène.

Ces derniers mois, avant l’arrivée de ce foutu virus, certains de mes amis commençaient à être intéressés par ces lieux dont je parle tant. Ainsi en janvier j’ai fait découvrir le sauna Sun City à un de mes amis. Il n’osait pas y aller seul. On s’est donné rdv à 14h devant l’entrée.

Après qu’on se soit changés en cabine, je lui fais une petite visite guidée. On est allés dans la piscine et le jacuzzi puis on a décidé de se retrouver toutes les heures au bar « pour faire le point ».

Moi je suis allé direct au hammam, c’est mon endroit préféré. Je ne sais pas si c’est la chaleur, l’humidité ou cette vapeur qui brouille un peu la vue mais la charge érotique du lieu me fascine. Souvent je m’assois et j’observe. La plupart des mecs se branlent. Certains se sucent.

J’ai retrouvé mon pote à 16h au bar. Il m’a dit qu’il adorait cet endroit « c’est grand, c’est beau, pas du tout glauque comme je l’imaginais ». Il s’est déjà amusé avec un garçon et il a hâte d’y retourner.

Ce jour-là je suis parti vers 19h, lui a décidé de rester plus longtemps. Depuis il y est retourné plusieurs fois le coquin 😉

Un autre ami voulait découvrir le Bunker, on y est donc allés ensemble et je crois qu’il a, lui aussi, passé un très bon moment. J’ai dit à mon mec que je devrais me reconvertir en guide de saunas et bordels !

Une de mes dernières sorties c’était en février au Secteur X. Ce jour-là j’avais pas forcément envie de sexe. J’aime juste l’ambiance de ce lieu. J’ai passé une demi-heure à discuter avec le barman au sujet des concerts de Madonna à Paris. Puis je me suis assis à côté du fumoir pour mater le porno diffusé sur l’écran au vestiaire. Un homme d’un certain âge est venu m’aborder en me parlant en anglais. En fait c’était un américain de passage à Paris. Il m’a demandé s’il pouvait s’assoir à côté de moi j’ai répondu « of course you can ! ». S’en est suivi une longue et passionnante discussion sur ce qu’il a vécu dans les années 70 et 80 à San Francisco, les années sida etc.

A un moment il m’a dit qu’il me trouvait très beau et qu’il aimerait bien descendre avec moi dans la backroom. Je lui ai répondu gentiment que ça me flattait mais que je n’étais pas dans le « mood ». Il a compris et m’a demandé s’il pouvait juste me faire un smack. J’ai accepté car c’était demandé si gentiment. Il devait repartir aux US quelques jours après.

Voilà un moment comme j’en ai vécu tant d’autres dans ces lieux.

Bien sûr je ne fais pas que parler et souvent je vais en bas pour m’amuser. Mais ce que je veux dire c’est que les bars à cul ou les saunas ne sont pas que des lieux de sexe. Le lien social est presque aussi important que le sexe. Il y a de vrais habitués qui viennent parfois plusieurs fois par semaine. Ils font la bise au barman, posent leur costumes de journée de travail au vestiaire et se mettent en « tenue de combat » (jockstrap, chaps, harnais ou parfois direct à poil selon les lieux et le thème de la soirée).

Pendant quelques heures, ils ne sont plus le « responsable de », le « fils de » ou le « mari de ». Ils sont juste des hommes venus s’amuser avec d’autres hommes pour relâcher la pression ou juste pour soulager un besoin primaire de sexe sans forcément attendre quelque chose en retour.

Cette semaine j’ai fait une « enquête » pour Komitid intitulée « les commerces LGBT+ dans l’incertitude face à la perspective du déconfinement« . J’ai pu m’entretenir avec plusieurs acteurs du monde de la nuit LGBT. Ils sont tous très inquiets.

Et pour cause, si les bars et restaurants « classiques » vont certainement réouvrir cet été en mettant en place la distanciation sociale, comment mettre en place cette fameuse distanciation dans des lieux où tout l’intérêt est justement de se rapprocher, se toucher, s’embrasser, se mélanger, se sucer… s’enculer ?

Je me vois mal aller au Bunker avec des gants et un masque (quoi que les fétichistes BDSM pourraient inventer une gamme d’accessoires spéciale Sars-CoV-2 ( le nom du virus responsable de la maladie Covid-19 !).

Plus sérieusement je pense à tous ces exploitants qui risquent la faillite et la fermeture. Ca serait dramatique d’un point de vue économique d’abord mais social aussi car ces établissements restent des lieux de sociabilité importants pour notre communauté. Qu’on les aime ou pas ils font partie de notre culture. Ils sont un point de repère, parfois un refuge ou un exutoire pour beaucoup de pédés comme moi.

Ironie du calendrier, en février j’écrivais un papier pour Jock Life sur le retour prochain des saunas gays à San Francisco. C’était juste avant ce que vous savez…

Je n’ai pas de solution miracle. Les établissements de cul seront sans doute les derniers à réouvrir dans de longs mois. Certains gérants vont mettre la clef sous la porte, c’est inévitable. Mais d’autres vont tenter de survivre. Ils auront besoin de nous, clients, pour se retaper.

Alors soutenons les, et dès qu’ils réouvrent, allons consommer dans leurs établissements! On n’est pas obligés de faire du sexe sur place. On peut y aller pour boire un verre, sociabiliser, draguer et pourquoi pas trouver un joli garçon « à emporter »

C’est quand même plus sympa qu’une discussion sans fin sur Grindr ou Scruff !

Ne laissons pas mourir nos bars à cul et nos saunas.

Ils ont besoin de nous.

Nous avons besoin d’eux.

Illustration : « Spoome » de DrisB Art

17 réflexions au sujet de “Ne laissons pas mourir nos bars à cul et nos saunas !”

  1. Malheusement ça fait déjà qques années que ces établissements fonctionnent au ralentit. 15 ans de métier et internet avait déjà tout changer !!

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  2. Il y a plusieurs initiatives en cours à Berlin pour soutenir bars et établissements divers. L’une consiste à payer des consommations virtuelles à valoir sur les consommations à venir pour permettre à ces entreprises de se maintenir à flot.

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  3. J’ai découvert ces endroits trop tardivement ! En février denier au Suncity et ce sont effectivement des lieux fabuleux où l’on crée du lien … suis moi aussi très inquiet de leur longue fermeture. Vivement la ré-ouverture car je souhaite découvrir tous les autres endroits de la capitale ! Si des guides sont dispos …

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  4. merci de cet article! moi aussi très inquiet de l’avenir de ces lieux, qui comme tu le dis si bien, ne sont pas que des lieux de sexe. (je réécris ce commentaire, mon comentaire précédent n’ayant pas été pris)

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  5. Je renouvelle mon commentaire, peut-etre doublon? je voulais juste te remercier de cet article très juste, et partanger mon inquiétude quant à l’avenir de ces lieux, qui ne sont pas que des lieux de sexe. J’aime beaucoup cet aspect de liberté que tu mets en avant! merci

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  6. Merci pour cet article, ces lieux m’ont à plusieurs occasions redonné vie…quand la solitude vous pèse…que l’hiver nous fait chercher la chaleur sous toutes ses formes…et qu’on rencontre finalement de belles personnes qui ont faim de rencontres… comme vous…
    Certes, ce n’est pas le paradis, pas plus qu’ailleurs…mais rencontrer d’autres lièvres vous aide toujours à mieux connaître votre nature de lièvre…et à devenir un meilleur lièvre !!!
    Au plaisir de te lire à nouveau !!!…Merci beaucoup d’exister…et merci pour tes partages !!!

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