Si la PrEP avait existé en 2009, aujourd’hui je serais séronégatif!

IMG-1483

Aujourd’hui j’ai envie de parler DU sujet qui déchaine les passions et divise parfois au sein même de nos communautés.

Mais d’abord petit retour en arrière, on est en 2012 et j’apprends lors d’une réunion chez Aides l’existence de la PrEP dans le cadre de l’essai IPERGAY en France.

Ma première réaction est hostile. Je ne comprends pas l’interêt de prendre des cachets pour ne pas choper le VIH. Pour être franc on me demande de participer au recrutement de l’étude en parlant de la PrEP lors de mes entretiens de dépistage et ça me dérange car je ne suis pas à l’aise avec le sujet.

Et puis l’idée va faire son chemin, je vais me documenter sur ce nouveau moyen de prévention qui existe déjà aux USA, parler avec des accompagnateurs PrEP (notamment Marco D qui m’a beaucoup appris sur le sujet et je le remercierai jamais assez) et très vite je suis convaincu par cet outil et je vais même militer pour que la PrEP arrive en France.

En 2016, lorsque la PrEP est enfin autorisée en France ET remboursée, je deviens à mon tour accompagnateur communautaire à l’hôpital Bichat les samedis matins et très vite je vais comprendre à quel point cet outil est révolutionnaire.

Je ne reviendrai pas sur les idées reçues autour de la PrEP, mon mari a fait un super boulot autour de ça dans cet article pour Tetu que je vous conseille vivement.

Pour moi les anti PrEP sont du mauvais côté de l’histoire de la lutte contre le VIH/SIDA. Déjà l’idée même d’être CONTRE un outil de prévention n’a pas de sens. Je peux ne pas aimer mettre une capote par exemple mais je ne serai  jamais contre son existence ou son utilisation!

Ces gens n’ont pas compris que la PrEP était LE vaccin anti VIH qu’on attendait depuis plus de 30 ans et ils focalisent sur les IST ce qui est non seulement hypocrite mais aussi insultant. Hypocrite parce que de nombreuses IST se chopent dans la gorge en pratiquant une simple fellation et rare sont les gens qui sucent avec capote (perso j’en ai jamais connu en 21 ans de sexualité active). Insultant parce que mettre au même niveau une IST qui se traite facilement avec quelques jours d’antibiotiques et le VIH qui reste une pathologie chronique avec, pour l’instant, un traitement à vie, c’est insultant pour les personnes comme moi qui vivent avec le VIH.

Ils n’ont pas compris, ou plutôt ils refusent de voir, que la PrEP est aussi un outil de libération sexuelle. Quand je parlais à des prépeurs à Bichat, j’avais à la fois des gamins de 20 ans mais aussi des hommes de 50/60 ans qui ont connu le trauma des années SIDA dans les années 80/90 et ont perdu des potes, des amants, des maris…  Ils se sont résigné à une sexualité systématiquement sous capote, quitte à devenir passif pour certains actifs qui n’arrivaient plus à bander dans une capote. Et soudainement ils retrouvent une sexualité plus libérée, plus épanouie mais safe quand même grâce à la PrEP. Et c’est là que la brigade de la morale vient nous expliquer que la PrEP c’est mal car pour eux une sexualité sans capote irresponsable. On est plus dans le scientifique on est dans la morale purement judéo-chrétienne. Ce genre de mecs qui font des conférences au Dépôt sur le « safer sex », pronent le sexe tantrique  et vont jusqu’à remettre en cause le TASP. C’est non seulement un discours dangereux qui nie la réalité des pratiques mais aussi une certaine forme de sérophobie.

On le sait depuis le début des trithérapies en 1996, les pratiques sans capote ont repris puis explosé chez les HSH (hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes). Le VIH fait moins peur, les séropos qui se pensaient condamnés à mourir du SIDA sont devenus des patients chroniques avec une espérance de vie quasi normale et TANT MIEUX!

Pour faire face à cette recrudescence des pratiques à risque, tout a été fait, le pire comme le meilleur. Les médecins ont brandi la (fausse) menace de la sur contamination pour les séropos qui baisaient entre eux sans capote (théorie jamais prouvée à ce jour). Certaines assos de lutte contre le SIDA ont fait des campagnes anti bareback ultra violentes, utltra culpabilisantes et ultra stigmatisantes assimilant les séropositifs à des criminels ce qui n’a fait que diviser d’avantage la communauté…

Pour moi la meilleure réponse a été celle de Aides qui dans cette confusion générale a proposé un espace de discussion « safe » aux principaux concernés. Plutôt que de les accuser de bombes humaines et d’irresponsables, plutôt que de leur faire la morale, Aides leur a proposé de constituer des groupes de paroles pour discuter prévention, pratiques sexuelles et réduction des risques. Voilà ce que j’appelle de la santé communautaire. Faire AVEC les gens pas pour ou contre.

Aujourd’hui je constate que la PrEP libère la parole sur pleins de sujets et crée des passerelles entre séronegs et séropos. Avant les séropos étaient invisibles, aujourd’hui sur des groupes de discussion Facebook comme PrEP Dial, on parle de santé sexuelle, de TASP, de couples séro-differents, d’effets indésirables, bref les séronegs commencent à comprendre un peu la vie des séropos et surtouts ils comprennent que, à coucher avec un mec sans capote, autant le faire avec un séropo sous TASP et donc non contaminant qu’avec un séroneg qui se fait pas souvent dépister et qui est peut être séropo sans le savoir avec une charge virale élevée. Ils comprennent aussi que la fin de l’épidémie doit AUSSI passer par les séronegs et que c’est à chacun de prendre en main sa propre prévention en choisissant l’outil le plus adapté : TASP et/ou capote et/ou PrEP.

Car OUI, un rapport sous PrEP est un rapport qui protège du VIH. Et les IST?Personnellement je milite pour la fin de l’épidémie du VIH/SIDA pas pour la fin de la gono. Alors aux gens obsédés par les IST je dis libre à vous de créer « Gono Info Service », le nom n’est pas encore déposé!

OUI les gens sous PrEP sont des gens responsables, qui se font dépister et traiter de toutes les IST plus que la moyenne.

OUI on peut prendre la PrEP et garder la capote ou alterner les 2 selon ses pratiques et ses partenaires. La PrEP ne remplace pas la capote c’est un outil supplémentaire.

OUI on peut être un gros queuetard ou une grosse « pute à jus » et en même temps vouloir rester séronégatif et vouloir prendre soin de soi et de sa santé (je reviendrai sur le « slut shaming » dans un prochain billet). En gros vive les « Truvada Whore »

OUI si la PrEP avait existé en 2009, aujourd’hui je serais séronégatif.

10 réflexions au sujet de “Si la PrEP avait existé en 2009, aujourd’hui je serais séronégatif!”

  1. J’ai bien connu Marc D. si je ne me trompe pas. Il a été mon accompagnateur Aides pendant Ipergay à Tenon. Ce mec est un cadeau. Patience. Bienveillance. Concret. Drôle et responsable. Il est de ces gens dont on comprend la militance, qui devient alors virale et t’oblige aussi, toi, l’accomapgné.
    Marc D. 🙌🏽

    Aimé par 1 personne

  2. Bravo ! J’adhère totalement à tout ce que vous avez écrit ici.
    J’ai 68 ans, je suis un survivant. Vous évoquez des choses que j’ai connues, des êtres chers que j’ai perdus. Fort heureusement, tout cela est loin derrière. Enfin pas très loin…
    Depuis bientôt 2 ans je suis sous PrEP et je vis (ou je revis) des moments de bonheur que je croyais encore plus loin derrière.
    J’ai retrouvé « l’amour de ma vie » qui, il y a 20 ans, non traité et à forte charge virale, refusait tous les contacts intimes risquant de me contaminer, même si pour le sodomiser j’utilisais toujours un préservatif. 20 ans après, lui traité et indétectable, moi un vrai « Truvada whore », nous faisons tout ce que nous ne nous étions jamais autorisés. Que du bonheur !
    Certes la passion amoureuse est remplacée aujourd’hui par une passion sexuelle et nous multiplions nos relations à deux, à trois, à plusieurs… Car le suivi est là, tous les 3 mois. Quelle chance !
    Je voue une reconnaissance totale à tous ceux qui ont œuvrer pour la mise en place de la PrEP et au personnel médical qui en assure le suivi. Qu’ils en soient remerciés.

    Aimé par 1 personne

  3. « Ils n’ont pas compris, ou plutôt ils refusent de voir, que la PrEP est aussi un outil de libération sexuelle. » J’irai encore plus loin que toi, ils ne veulent pas de cet outil. En effet, au nom de quel miracle, un simple pilule pourrait-elle protéger du SIDA alors qu’on se trimbale avec cette malédiction depuis plus de 30 ans. Et pourquoi eux et pas nous ?
    Triste comme constat. Je fais partie des survivants, j’ai tout essayé et tout pris : AZT, Videx, Crixivan, and so on …. Comme beaucoup, j’ai testé les prises à heure fixe, les comprimés de la taille d’un pièce de 5 Francs à mâcher qui te laissaient une pâte immonde dans la bouche. Comme certains, j’ai oublié de prendre mes 1,5 à 2 litres d’eau avec le Crixivan et les sables rénaux m’ont douloureusement (désolé j’ai rien de plus fort pour l’exprimer) rappelé à l’ordre. J’ai connu plein d’effets secondaires, mais jamais des rigolos (devenir brutalement une bête de sexe par exemple). Comme plein, j’ai perdu une pléiade de connaissances, de copains, d’amis et d’amants, aucun ne m’a totalement quitté mais nos échanges sont moins riches.
    Tout ça pour dire que la PREP, pour moi c’est un voile de nuage qui se déchire et même si je ne suis pas en plein soleil, tous ceux qui suivent pourront en profiter et enfin, oui enfin, le slogan ,d’Act-UP sous lequel j’ai défilé à ma première Gay Pride parisienne en 1994 (vos gueules les jeunes) prend tout son sens et devient une réalité : « DES MOLECULES POUR QU’ON S’ENCULE ! »

    Aimé par 2 personnes

    1. Bouleversant ! Merci Pascal pour ces lignes pleines de réalités vécues que j’ose partager avec toi… (Enfin, pas toutes, car je n’ai connu les effets secondaires qu’à travers mes potes traités, maltraités.)
      Moi aussi, en 1994, aux premières Gay Pride à Toulouse, j’ai crié « Des molécules pour qu’on s’encule ! » et nous nous allongions sur la chaussée pour mimer nos morts.
      Comment osent-ils aujourd’hui discriminer les prépeurs ? Que penser de nos frères homosexuels prompts à nous donner des leçons de morale ou se révélant de véritables ayatollahs du préservatif ?
      En quoi cela peut-il les gêner que nous assumions notre « libération sexuelle » ? Non seulement avec « un outil de plus », mais surtout en tant que personnes responsables de nos actes et, qui plus est, hyper suivies médicalement. Tous peuvent-ils en dire autant ?

      Aimé par 1 personne

      1. C’est épouvantable d’être celui qui reste mais c’est aussi la raison pour laquelle je refuse de rendre les armes, mes compagnons de route n’étant plus là pour se défendre j’estime devoir continuer à faire vivre leur mémoire et leur combat contre cette maladie.

        Aimé par 1 personne

  4. Inertie des mentalités

    Quand j’ai commencé à sortir dans le milieu gay en 1985, aucune personne que j’ai croisée ne mettait de capote. Je me souviens de « befores » chez mes amis, avant le Gay Tea Dance dominical du Palace, des discussions que nous avions en nous moquant de la capote. C’était inconcevable à cette époque d’en mettre. Il m’a fallu du temps et la maladie de mes amis pour me convertir au préservatif pour me protéger du VIH. Du VIH pas des IST parce que moi, comme les autres, on s’en foutait des IST. Au début, mes potes se foutaient de ma gueule quand je disais que je portais toujours des capotes pour les pénétrations actives ou passives. Et puis 10 ans de pertes d’êtres chers entre 86 et 96 ont établi l’usage de la capote comme la norme.

    Aujourd’hui c’est le contraire. Prendre la PrEP pour certains est inconcevable car c’est vécu comme une concurrence à la capote qui constitue l’objet d’un véritable crédo. Peu importe les faits scientifiques, la foi en la capote comme l’alpha et l’oméga est inébranlable. Peu importent les ruptures de capotes, peu importent les mecs qui mettent la capote pour te prendre et qui l’enlèvent sans que tu le vois, peu importent les angoisses quand tu ne sais plus si au cours de la nuit avec le mec avec qui tu es rentré, tu as bien mis une capote à chaque reprise d’activité, peu importe les angoisses que ça génère. Peu importe les TPE (j’en ai fait 4) qui sont difficiles à gérer quand tu bosses à cause de toutes les consultations auxquelles tu dois te rendre. Peu importe que partant à l’étranger pour le boulot le matin qui suit, tu ne puisses pas faire un TPE alors que l’indication est là. « C’est la capote, la capote vous dis-je » pour paraphraser Toinette dans la scène X du malade imaginaire de Molière. Il va falloir du temps pour admettre qu’être sous PrEP c’est comme mettre un préservatif chimique contre le VIH et que le concept du barebacking dans ce contexte est obsolète.

    Peu importe que les PrEPeurs soient médicalement très bien suivis pour les IST alors que ceux qui sont (ou se pensent) séronegs font peu ou pas de dépistage, peu importe que le coût du traitement mensuel pris à la pharmacie des hôpitaux de l’APHP ne coûte plus que 40 euros, peu importe que les capotes représentent un budget sauf à utiliser celles offertes gratuitement dans les lieux de baise mais qui sont de moins bonne qualité et qui cèdent assez souvent (c’est du vécu).

    Malgré une sexualité active, en trente ans je n’ai pas eu d’IST (dernier bilan IST total il y a 15 jours) sauf de l’herpès anal que j’ai attrapé avant d’être sous-PrEP malgré la capote (j’imagine lors d’un anus-lingus ou quand les mecs se frottent le gland sur l’anus pour s’exciter avant de mettre la capote).

    Il faut du temps pour que les mentalités évoluent. Espérons qu’il ne sera pas trop long.

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire