Je Suis Séropo Et « Clean »!

Pour le tout premier article de mon blog, je voulais aborder un sujet qui  me tient à coeur : La sérophobie (peur et/ou rejet des personnes vivant avec le VIH) et faire un focus sur un terme qu’on retrouve beaucoup sur les applis de drague  : « clean ».

Sur des applis de type Grindr/Scruff et même dans la vraie vie, j’ai été souvent confronté à ce terme sérophobe :  « tu es clean? ». C’est une façon détestable de demander le statut sérologique de son partenaire, tout en stigmatisant de fait les personnes vivant avec le VIH.

Et pour cause « clean » signifie « propre » en anglais ce qui sous-entend que les séropos seraient des personnes « dirty » donc  « sales » parcequ’ils/elles sont porteurs/euses du VIH… Ambiance! C’est un terme hyper stigmatisant et avec les années j’ai évolué dans ma façon d’y répondre.

Les premières années, j’assumais mal mon statut sérologique j’en avais presque honte. Donc je répondais presque tête baissée que j’étais séropo et une fois sur 2 le mec me bloquait en virtuel ou sortait de la cabine si j’étais en sauna/backroom…

En devenant militant chez Aides en 2011/2012, j’ai commencé à m’affirmer et j’ai cessé d’avoir honte. Je répondais alors avec humour que OUI j’étais propre car j’avais pris une douche (…) et je demandais au mec où il en était de ses dépistages en lui expliquant au passage qu’il est plus sûr d’avoir un rapport sexuel avec un séropo sous TASP (Treatment As Prevention = traité et indétectable donc non contaminant) qu’avec un séroneg qui ne se pas fait dépister régulièrement et qui est potentiellement séropo, sans le savoir, non traité, avec une charge virale élevé donc contaminant…

Depuis 2/3 ans, j’ai un peu perdu patience… Je ne suis plus sur les applis et les rares fois où un mec me pose cette question en sauna/backroom je réponds juste oui, pour 2 raisons :

1/Je n’ai pas envie de déballer mon dossier médical, mon nombre de CD4 et le niveau de ma charge virale dans une cabine de sauna/backroom encore moins de me lancer dans un cours de prévention . Et surtout je n’ai pas envie de m’exposer à un rejet, parfois violent, de quelqu’un d’ignorant et/ou flippé du VIH. En gros je me préserve.

2/Je sais que je suis sous TASP et observant avec mon traitement donc je ne fais courir aucun risque à mon partenaire. Je me sens donc safe et « clean » en tout cas surement pas sale! Charge à mon partenaire de prendre en main sa propre prévention s’il est séronegatif en mettant une capote et/ou en prenant la PrEP (traitement préventif). C’est ce qu’on appelle la responsabilité partagée. Notion qui, grâce à la PrEP, ne repose plus seulement sur les personnes séropositives (j’y reviendrai prochainement quand je ferai un article sur la PrEP).

Cette année en 2018, j’ai décidé que le terme « clean » que je considère comme un symbole de la sérophobie serait mon cheval de bataille.

J’ai donc multiplié les posts à ce sujet sur mes comptes Twitter et Instagram en utilisant le hashtag #SéropoEtClean. J’en ai parlé lors d’une interview à France Info et dans un Podcast Queer qui s’appelle « Garçons » (retrouvez tous mes témoignages médias ici) et j’ai décidé de me rendre à la Marche des Fiertés LGBTQ de Paris avec un t-shirt arborant à l’avant « Séropo Et Clean » et à l’arrière « Séropo Et Fier ».

Je dois avouer que j’aime provoquer voire déranger mais c’est dans le seul but de donner de la visibilité aux séropos parfois invisibles au sein même de nos propres communautés…

L’idée est de montrer qu’on peut être séropo et bien le vivre. Non seulement je n’ai pas honte de mon statut sérologique mais je le revendique même de façon militante, presque politique. Quelqu’un sur Twitter m’a écrit il y a quelques temps qu’il n’y avait « aucune fierté à être malade ». Le truc c’est que justement je ne me considère pas comme quelqu’un de « malade ». Loin de là.

J’ai la chance de vivre avec le VIH en France et au temps des trithérapies plus lègères et efficaces que dans les années 90/2000.

J’ai conscience que tout le monde n’a pas le même parcours de vie er que certain-e-s qui vivent avec le VIH depuis 20, 25 ans voire 30 ans subissent les effets indésirables des anciens traitements parfois de façon très lourde. Je ne les oublie pas.

Mais en ce qui me concerne mon traitement n’a pas d’incidence particulière sur ma vie quotidienne, sociale, professionnelle, sentimentale ou sexuelle. J’ai même parfois l’impression d’être en meilleure santé globale car suivi de près non seulement pour le VIH mais pour ma santé sexuelle en général.

Bref, les mots ont un sens et peuvent blesser. Je suis blindé aujourd’hui heureusement mais je pense à tous les séropos isolés qui m’écrivent en messages privés  pour me remercier des messages que je fais passer et me dire que c’est pas toujours facile à garder pour soi.

J’ai envie de vous dire que vous n’êtes pas sales.

Vous êtes belles, vous êtes beaux. Soyez fier-e-s.

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41 réflexions au sujet de “Je Suis Séropo Et « Clean »!”

  1. Bravo Fred ! C’est vrai que l’utilisation de « clean » dans ce contexte est affreuse… Et merci pour les mots de la fin « Vous êtes belles, vous êtes beaux. Soyez fier-e-s »

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  2. Bonjour,

    Je partage sur mon mur. Je suis touchée par tes mots. Durant toutes ses annees entourage amicale et prof a été traversé par le VIH…. J’ai toujours été sensible à la question de VIH sans savoir qu’au quotidien je reviendrais la relou qui pose toujours la question à ses friends après une nuit sexuellement « arrosée » 😉 : tu as bien mis une capote à chaque fois » sans jugement, je rappelle l’histoire du VIH et des personnes proches ou moins proches qui l’ont chopé… Responsabilité partagée… J’aime beaucoup ce terme.

    Au plaisir de te lire encore. En attendant, je vais découvrir tes podcast et articles.

    Que ton chemin soit doux

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  3. Ton texto est beau, fier et courageux.
    Chapeau tu écris très bien et retranscrire ses pensées n’est pas une tâche facile.
    Soyons fiers de nous !!

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  4. Que ta parole soit louée mon enfant! C’est un très beau message que tu diffuses ici et en tant que Soeur de la Perpétuelle Indulgence je t’en remercie très chaleureusement, car celui-ci fera du bien a tou-te-s et va évidement dans le sens de nos prières et missions (cf. Le bandeau sur notre site ou des flyers que nous distribuons quand nous nous échapons en douce du Couvent pour sortir tard la nuit dans les lieux de festivités).
    Reçois mes bénédictions les plus pénétrantes et mon amour le plus profond,
    Soeur MD Emma

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  5. Bravo d’une part pour ton courage.
    Bravo pour ta plume.
    Bravo pour ce combat je raye « clean » de mon vacabulaire pour ne jamais sous entendre le côté « sale ».
    Bravo parce que tu nous aide à soutenir nos proches concernés
    Je t’envoie mon amour aveugle.

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  6. Bonjour, je suis mère de famille dans une vie banale d’hetero clean ( bien que une bonne douche serait la bienvenue , j’y vais ..) Votre lettre fait réfléchir sur une problématique de façon simple et émotionnelle. Je vous souhaite beaucoup de bonheur !

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  7. J’ai passé la cinquantaine et j’ai vécu les pires heures de l’épidémie de Sida à Paris. Beaucoup de mes amours et amis nous ont quitté pendant les années noires. J’en pleure toujours. J’ai réussi à passer « entre les gouttes  » sans rencontrer le virus (sauf en quelques occasions peut-être qui m’ont valu des TPE). Pour autant, je n’ai jamais demandé le statut sérologique de mes partenaires car quel qu’il soit, j’ai toujours pris mes précautions car ma protection est de ma responsabilité. Et que de la mienne. Pour moi, tout le monde est « clean » sauf ceux qui puent.

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    1. Je compatis pour tes amis et amours… Et merci pour cette sage vision de la santé dans le rapport sexuel. Et c’est vrai que mes partenaires de la cinquantaine sont plus humains et aimant. Et souvent doués lol. Tendres pensées

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  8. Merci pour ce témoignage fort et important pour tout ceux qui se croit plus fort.. Plus intelligent ou ceux qui ne jure que par le BBK. Tu n’as pas à avoir honte d’avoir en toi un virus… Personne ne devrais être juger sur cela. Merci hâte de lire encore.

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  9. Salut, j ai témoigné de cette sérophobie et ce qu elle enclenche. voir you tube :Dans les yeux D’Olivier sujet passé sur France 2 le 02 Mai 2018 . et je ne peux etre d accord qu avec toi .C’est un cheval de bataille depuis des années. qui a commencé à etre « médiatisé » sur ces faits

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  10. Merci pour ton article.
    J’ai été détecté en février cette année et la nouvelle fut très dur à encaisser.
    Je me suis senti sale et un virus sur pattes!
    Je suis resté 6 mois en abstinence totale car je bloquais dans ma tete !
    La je recommence à voir des relations .
    Comme tu dis les personnes sont des ignorantes et ne connaissent rien, comme moi je l’etais avant.
    C’est dur encore aujourd’hui mais mon médecin m’a dit que bientôt ce sera de l’histoire ancienne!
    J’ai été indétectable en 3 mois avec un nouveau traitement dont je suis encore sous test.
    A terme, je prendrai 3 comprimés par semaine !
    Voila!

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    1. Bonjour Brian,
      J ai vécu la même sensation, de plus j’ai vu deux enfants mourir dans un accident de voiture deux semaines après la nouvelle douloureuse…
      Et aujourd’hui, je rencontre de merveilleuses personnes, et je sais que je n’ai pas choisi d’être contaminé, personne ne le choisi, sinon, personne ne serait contaminé.
      Je t’envoie plein de courage et de soutien !! Fred montre qu’on arrive à vivre super bien avec, et j’en connais d’autres qui sont séropositifs depuis plus de 10 ans et qui vivent parfaitement bien et heureux.
      Ce qui m’a aidé et m’aide encore, c’est d’en parler ouvertement, aux amis proches, à mes partenaires, au personnel soignant. En me confrontant, je réalise aussi que beaucoup de personnes sont bienveillantes et dans le soutien.
      Plein de belles choses à toi !!

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  11. Très beau poste. Les mots ont des sence, mais attention aux traductions trop rapides. Les mots ne peuvent pas être transposés d’une langue à l’autre automatiquement. L’adjectif « clean » veut dire propre mais aussi pur, net, vierge et sain et même certaine fois rien. Donc « tu es clean? » devrait plutôt ce traduire par « tu as rien? » ou « es-tu sain? ». Mais sa ne justifie pas la seropophobie et le manque de connaissance de beaucoup sur le sujet. Je ne parle jamais de ma séropositivité je connais bien trop de monde qui ont été comme toi victime de ces ignorants.

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    1. Hey,

      Idem pour moi je n’ose pas en parler encore. J’en parlerai à la personne qui rentrera dans mon cœur mais pas au début . A partir de la, je verrai si la personne tient vraiment à moi ou pas.
      Mais comme tu dis, il y a tellement de traduction de clean!!!!!

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    2. Hey,

      Idem pour moi je n’ose pas en parler encore. J’en parlerai à la personne qui rentrera dans mon cœur mais pas au début . A partir de la, je verrai si la personne tient vraiment à moi ou pas.
      Mais comme tu dis, il y a tellement de traduction de clean!!!!!

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    3. Je partage ton idée de la tradition de clean. Et je me mets aussi à la place des séronégatifs, comme moi à l’époque… Je ne sais pas comment j’aurais réagi face à un mec qui m’annonce son état sérologique…
      Je ne connais pas assez vos vies pour me permettre de donner un conseil… Mais mon expérience me montre que d’en parler, rapidement, permet de démystifier le sujet et de bien séparer le virus et soi.
      Et en plus, je suis plus souvent tombé sur des hommes ouverts, bienveillants et informés que l’inverse, à mon étonnement !!
      En tout cas, c’est une vérité que j’essaye d’assumer au mieux tout en laissant le VIH à sa place de virus et non de mon identité ou mon intégrité.
      Bises et love

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  12. Super article ! Moi j’ai été diagnostiqué depuis 10 ans pendant ces 10ans je suis passé par les pire étape de ma vie. Mais j’ai eu de la chance d’avoir des mecs plutôt compréhensible… aujourd’hui je suis à une stade où les Reseau de type grindr et autres. Me renvoie toujours à séropositivité et me fait culpabiliser de mon statut et à beacoup de mal à avance dans ma vie amoureuse aujourd’hui ! Malgré l’assurance de mon médecin qui m’assure que je ne peux transmettre en suivant ma tri thérapie. Mais je me sens toujours comme la bête noir de la société des Gays ! Et refuse de vivre des histoires pas peur de la discrimination et du reget de l’autre … j’espère m’en sortir plus fort que hier mais le chemin me paraît longue.
    Merci pour cette article au top !

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  13. Merci pour cet article, plein de bon sens et de positivité.
    Je suis moi-même séropositif depuis juillet, en faisant une primo-infection… Et je ne suis pas encore indétectable… Et j’ai subit les rejets mais plus soft que toi, et essayant d’expliquer qu’avec le préservatif, il n’y avait pas de risques… Bref, j’ai aussi conscience de la chance que j’ai d’être infecté par le VIH en 2018 et pas en 1980 ou dans un pays en voie de développement. D’être pris en charge et soutenu par le service médical. Mais les mentalités doivent encore avancées. Merci de militer !!

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